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A PROPOS DES VIOLENCES CONJUGALES : VERS UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE DE LA VIOLENCE MORALE

Le 12 juin 2021
A PROPOS DES VIOLENCES CONJUGALES : VERS UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE DE LA VIOLENCE MORALE
Les violences conjugales font l'objet d'un arsenal répressif en constante évolution. Mais si les violences physiques sont facilement décelables et donc punissables, qu'en est-il des violences morales dont les conséquences sont souvent aussi graves ?

 

La lutte contre les violences conjugales (couples mariés ou non mariés) est devenue une cause nationale tant il est vrai que ce phénomène connaît une ampleur croissante, sans doute liée à la libération de la parole des victimes.

 142 000 cas de violences conjugales étaient recensés en 2019 pour l’essentiel des violences physiques et les « féminicides » (terme étymologiquement impropre) atteignent début juin 2021 la cinquantaine.

L’arsenal juridique est en constante évolution, d’abord au plan pénal, mais également au plan civil.

 

Au plan pénal, les récents textes ont institué une plateforme de signalement qui fonctionne 24h/24 (arrêtonslesviolences.gouv.fr), un numéro vert par SMS le 114, et une ligne d’écoute : le 3919.

 Au titre des outils de protection figurent le bracelet anti-rapprochement, le téléphone grave danger (TGD), ou les centres d’hébergement d’urgence CHU activés par le 115 qui permettent une mise à l’abri des victimes.

 Au plan pénal encore, les sanctions ont été récemment alourdies, ou complétées par des peines accessoires comme la suspension de l’autorité parentale.

 Le Code Pénal a créé un nouveau cas de levée du secret médical (article L.226-14 du Code pénal) et une nouvelle infraction : la géolocalisation illégale d’une personne ou encore le vol des moyens de télécommunication.

 

Au plan civil, existait déjà l’ordonnance de protection modifiée une première fois par la loi du
28 décembre 2019, donnant compétence au JAF pour ordonner la mise en place d’un bracelet anti-rapprochement, pour suspendre l’autorité parentale, ou pour ordonner l’éloignement du conjoint violent du domicile conjugal.

 

Avec la loi du 30 juillet 2020 « visant à protéger les victimes des violences conjugales », l’attribution de la jouissance du logement conjugal ou commun au conjoint, partenaire, pacsé ou concubin, qui n’est pas l’auteur des violences, devient désormais automatique.

 Le JAF a également compétence pour interdire à l’auteur des violences de recevoir ou de rencontrer certaines personnes notamment le conjoint ou sa famille.

 Pour les couples mariés, les violences physiques constituent depuis toujours un cas de divorce pour faute au sens de l’article 242 du Code Civil.

 Mais si le régime applicable aux violences physiques est aujourd’hui bien établi, qu’en est-il des violences morales ?

 

Le harcèlement moral a été introduit dans la loi en Droit social, le harcèlement au sein de l’entreprise pouvant revêtir la forme d’un harcèlement sexuel, mais pas seulement.

 En dehors de ce cadre et pour ce qui concerne les couples, à l’heure actuelle, la loi reste insuffisante pour punir tant au plan pénal qu’au plan civil des comportements qui sont délibérés et qui ont pour finalité d’affaiblir, de soumettre ou de briser les victimes.

 L’article L.222-33-2-2 du Code pénal dispose :

 « Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail ».

 

Difficulté : alors que la violence physique a un caractère spectaculaire et concerne principalement des individus à la personnalité fruste ou primaire, la violence morale est plus sophistiquée, et émane généralement d’individus cultivés et froidement calculateurs ce qui rend la chose d’autant plus grave qu’elle est dissimulée et sournoise.

 On a bien compris que le vrai problème est celui de l’administration de la preuve puisque par hypothèse l’auteur de la violence morale dissimule ses actes et ne les commet jamais en présence de témoins.

 « La parole de l’un contre la parole de l’autre » fait que bon nombre de plaintes sont classées sans suite.

 Bien pire, lorsque l’auteur de la violence morale parvient à ses fins et place sa victime dans un état de dépression, il va profiter de la situation devant le JAF pour prétendre que son conjoint est désormais inapte à s’occuper de ses enfants, alors que c’est généralement l’enjeu du litige.

 En termes de preuve, la victime de ce genre de comportement n’a d’autre solution que de pratiquer des enregistrements, mais l’auteur des violences invoquera immanquablement la violation de la vie privée, non pas qu’il conteste le contenu de ce qu’il a pu commettre et de ce qu’il lui est imputé, mais parce qu’il en conteste simplement la forme !

 

La pratique révèle que la transcription d’enregistrements privés peut être autorisée par ordonnance sur requête du Président du Tribunal Judiciaire, le PV de constat en résultant étant alors produit devant le JAF.

 Cette technique peut être utilisée dans le cadre de l’ordonnance de protection ou pour justifier d’une procédure à jour fixe.

 Elle est assez logique, à l’instar du Droit du travail où le « testing » est autorisé.

 Il est donc essentiel que la loi évolue dans le sens d’une meilleure reconnaissance des victimes de violences morales dont les répercussions sont souvent aussi graves que les violences physiques puisqu’elles aboutissent dans de nombreux cas à des suicides ou des dépressions profondes.

 

Par son expérience du Droit de la famille et son implication dans le monde associatif familial, le Cabinet BINON-DAVIN AVOCATS ASSOCIES saura vous défendre.